Thursday
Mar292012

L'Occident a déformé l'histoire des Croisades pour prouver que nous l'avons agressé

Al Osbou, 12/03/2001

L'objectif du dialogue des religions est de réfuter la suspicion de l'extrémisme en Islam. Malgré l'attachement du Dr Aly El-Samman à l'ADIC qu'il préside depuis 1994, ses activités d'homme des Medias restent toujours importante tant sur le plan personnel que sur le plan professionnel. Dans une interview au journal "Al Osbou", il aborde toute forme de Dialogue avec l'Autre.

Si l'on parle de votre démarche qui visait à relier l'opinion égyptienne à l'opinion publique internationale, pourrait-on dire que cela a été aisé à réaliser?
La démarche n'était– absolument – pas facile. J'ai entamé cette activité dans les années soixante, c'est-à-dire, après la nationalisation du Canal du Suez et la rupture des relations entre l'Egypte et la France et une partie de l'Europe. Notre cause était juste et n'avait besoin que d'être présentée d'une manière convaincante. La langue et le style sont essentiels car pour gagner une opinion publique à l'étranger, il est irrationnel d'imposer ses propres règles.

Certains pensent que nous n'avons pas besoin de déployer un grand effort pour choisir des termes sélectifs dans notre Dialogue avec l'Autre, surtout que nos causes sont justes?
Dans les années soixante, après avoir bien examiné notre cause, avec la logique d'un homme ayant étudié le droit et les critères de la justice, j'ai eu la conviction d'une manière évidente de la justesse de notre cause.

Lorsque vous tenez à choisir les termes de votre propos, vous essayez de prendre en considération les sentiments de l'Occident qui a rejeté les résolutions de la légitimité internationale concernant nos causes qui sont justes et claires.
Vous parlez d'un autre sujet, qui concerne le jeu des Nations et les équilibres internationaux où la légitimité est claire et doit être prise en considération. Mais je parle, ici, d'une opinion publique. Et la question n'est pas seulement une question de résolutions internationales, personne ne doute de la légitimité, mais une ouverture plus grande sur la légitimité humaine pour comprendre la situation et la nature de la société.

Mais le monde occidental a-t-il assimilé votre proposition dans ce cadre ?
Il était nécessaire que nous prenions en considération la question à laquelle l'Occident croit. En effet, c'est la question posée hier, aujourd'hui et demain. C'est la question de ce qui est arrivé aux Juifs.

Je ne crois pas que nous ayons le moindre rapport avec cette question?
Oui, sur le terrain arabe, je n'ai pas de rapport avec elle, je n'en suis pas responsable ni exclusivement, ni partiellement, mais elle constitue, pour moi, un accès pour aller au fond de ma cause pour parler des Palestiniens et des massacres de Sabra et Chatila. C'est ce que j'ai fait sans établir de comparaison historique afin que leurs esprits ne soient pas dominés par la cause des Juifs.

Cela veut dire qu'ils ont essayé de vous imposer cette logique?
Je l'ai évitée et j'ai tourné autour du problème par le biais de la persuasion objective. A propos de la question du racisme, elle était, pour moi, une question de persuasion et non pas une question de tactique. Le racisme est un tout, indivisible, en conséquence, il faut le combattre selon cette perspective.

L'Occident est raciste, la meilleure preuve, c'est que l'Occident prend partie pour le sionisme et Israël mais demeure contre les arabes, malgré la clarté et l'équité de notre cause.
Dans le domaine de la politique et des médias, la théorie des rapports est indispensable. Depuis dix ans, à titre d'exemple, il était inimaginable qu'il y ait une compréhension du point de vue arabe, même pour un pourcentage de dix pour cent. Raison pour laquelle, j'étais très heureux quand le magazine Paris-Match a consacré une page entière au sujet du meurtre de Mohamed Ed-Dorah et une autre page à l'israélien qui a été tué et jeté par la fenêtre dans un centre palestinien. Il a été mentionné que ce dernier s'était déguisé pour pénétrer clandestinement la société palestinienne, comme si le magazine voulait, ainsi, justifier la cause du meurtre.

Dans le cadre de la discussion de la stratégie des médias, avons-nous une stratégie précise?
Malheureusement, non. Nous traitons les causes sujet par sujet et cas par cas. Mettre au point une stratégie exige de proposer les données actuelles pour les traiter ensemble. A titre d'exemple, avant et après Camp David il y a eu une sorte d'hostilité envers Israël. L'Occident propose de nous écouter ensemble. Notre problème, est de tenir tous le même discours. Mais si nous refusons, notre refus aura un sens péjoratif. Personnellement, j'ai confronté cette situation quand j'étais étudiant à la Faculté des Sciences Politiques à l'Université de Paris en 1959. Le doyen de la Faculté m'a informé qu'un étudiant israélien voulait présenter son point de vue dans l'amphithéâtre et m'a dit : «avez-vous un inconvénient à lui répondre?». Je n'ai pas voulu fuir la situation, j'ai donc accepté. J'ai été surpris de voir les arabes s'opposer à moi pour avoir accepté la participation à ce débat.

Ont-ils considéré cet acte comme une erreur ? !
Il est injuste que la charge émotionnelle devienne le dominant de la raison. Je n'ai pas commis une erreur en répondant à cet étudiant. Pourtant, des manifestations ont été organisées contre moi et j'ai envoyé, ensuite, des télégrammes de protestation au Président Gamal Abdel Nasser. Ce dernier a bien posé la question en demandant : Qu'a dit cet étudiant? alors que les autres se sont attachés à la forme. Vingt ans plus tard, il a été prouvé, que le Président Gamal Abdel Nasser est celui qui a mis fin aux mesures prises contre moi.

Malgré tout cela, l'Occident soutient encore l'attaquant. Je veux dire Israël?
Le changement qui se produit en Occident se passe graduellement et n'est pas soudain alors que dans notre cas l'émotion l'emporte sur les faits réels. Enfin il ne faut pas oublier l'image péjorative de l'Islam dans les médiats occidentaux.

Vous voulez dire l'extrémisme qu'ils ont essayé d'attribuer à l'Islam?
Oui, ce qu'ils ont écrit a inquiété l'enfant dès son jeune âge, en déformant l'histoire des Croisades. Ils ont présenté les Musulmans comme les agresseurs. Nous avons constaté que l'Occident a présenté Saladin comme un homme agressif. C'est pourquoi, l'ADIC fondée en 1989, que je préside depuis 1994, a eu comme premier projet à long terme le livre scolaire de l'enfant en Occident.

Le projet visait-il à corriger les erreurs qui se trouvaient dans le livre scolaire et à récuser les mensonges à propos de l'Islam ?
Oui, dans cette Association, dès 1989, des experts dans le domaine des médias, au nord et au sud de la Méditerranée, ont analysé le manuel scolaire. Pour nous imposer sur la scène internationale, il faut que la problématique soit objective et la perspective globale en examinant ce qu'ils ont et ce que nous avons. Nous nous sommes mis d'accord pour la tenue d'un colloque comprenant des experts en matière de manuels scolaires et nous avons obtenu, maintenant, l'accord de l'UNESCO afin de travailler ensemble dans ce domaine.

Quand est-ce que ce colloque se tiendra ?
Cette année. Si nous arrivons à corriger le livre scolaire, nous assurerons que la prochaine génération ne lira pas sur l'Islam ce que j'avais lu quand j'étais étudiant en France.

L'étrange paradoxe, c'est qu'Israël accuse les Palestiniens d'être des agitateurs, soit au niveau du livre, soit au niveau des médias.
Malgré la charge émotionnelle légitime, nous devons être vigilants pour ne pas tomber dans l'erreur et ne pas généraliser la mauvaise image.

Qu'est-ce ce colloque pourrait apporter de nouveau ?
Il renouvelle la responsabilité arabe vis-à-vis des médias avec une portée à long terme. Il est indispensable d'inviter, à ce colloque, des personnalités arabes ayant vécues depuis longtemps en Europe et en Amérique, des personnalités ayant un poids comme Dr. Hathout de Los Angeles et Dr. El-Baz et d'autres personnalités expérimentés capables de comprendre les changements. Aussi, des instituts spécialisés dans le domaine des études islamiques et arabes, dont le nom est lié aux grandes universités, comme Oxford, pourront y participer.

Dans ce contexte, quelques uns parlent de la nécessité de la correction de l'image de l'Islam que les médias occidentaux ont déformé.
Une lueur d'espoir est apparue à l'Université de Cologne à travers un regard objectif de l'Islam que Docteur Hamdi Zagzoug adopte depuis qu'il y était étudiant. Le terme Djihad a requis un effort exceptionnel pour en corriger le sens déformé par l'Occident pour devenir le droit du musulman à tuer le non-musulman, ce qui est, certes, une compréhension erronée.

Mais le Djihad signifie défense. C'est un droit légitime et ne désigne pas le terrorisme comme prétend l'Occident.
Oui, mais ils l'ont transformé en terrorisme de façon que le Musulman tue tout non-Musulman. C'est un regard qui aide à approfondir l'hostilité. Je me souviens lorsque le Président Abdel Nasser a nationalisé le Canal du Suez, la réponse du Figaro fut la suivante : "Réveille-toi Martel". Je n'ai pas compris, au début, qui est "Martel", puis, j'ai appris qu'il s'agit de Charles Martel qui a arrêté la progression des troupes arabes à la bataille de Poitiers. C'est-à-dire, qu'en rejetant le projet de la nationalisation du Canal, il s'agissait de faire revivre la Guerre Sainte. Le fait d'écrire et de publier, cela démontre que le lecteur n'est pas surpris et que cela répond à son attente.

Que devons-nous faire pour faire face à cette attaque féroce contre nous et contre l'Islam ?
Nous devons être sérieux et élaborer un projet à long terme. Si nous avons consacré plus d'un demi siècle à ce qu'on appelle la Cause, il n'est pas long d'accorder deux ans à la préparation et la planification de ce colloque dont j'ai parlé.

Le fait de parler de la tenue d'un colloque national sur les médias, peut, peut-être un sujet sensible, surtout que le colloque des Ministres de l'information se tient régulièrement.
Je suis un libéral. Raison pour laquelle, je ne trouve pas de mal que les experts cherchent lors d'un colloque à formuler des propositions qui pourraient être utiles.

Vous voulez dire que la réaction doit être concrète et ne doit pas se contenter de mots.
Oui. Je voudrais que la réaction soit l'action. Si les Ministres de l'information ne répondent pas, j'aurais le droit, alors, de critiquer cette position par mes propres moyens. Je dirai qu'ils n'ont pas répondu et n'ont pas étudié les situations comme il faut. Il faut que ces experts ne se contentent ni de la critique, ni de l'attaque mais doivent plutôt prendre des mesures pratiques sur le terrain et trouver des alternatives.

Sans doute, les points forts sur lesquels nous pouvons compter, dans le domaine des médias, sont liés au cadre religieux. Si l'homme peut communiquer avec les religions, il pourra communiquer avec les médias. Une question s'impose : comment pouvons-nous réunir les deux et rassembler les points forts qui pourraient être un garde-fou pour protéger et défendre vos causes ?
L'intérêt direct du dialogue des religions est de nier la suspicion de l'extrémisme en l'Islam et le fait que le musulman néglige l'Autre. C'est la question qui nous préoccupe depuis des dizaines d'années et à travers laquelle nous présentons la vraie image de l'Islam. Et lorsque je discute avec un autre, ce dernier participera avec moi à présenter la vraie image pour ne pas être seul.. Mais il ne faut pas oublier, aussi, que lorsqu'on me demande de faire le contraire concernant des situations équitables et correctes, je dois présenter la vraie image.

Comment pouvons-nous affronter l'extrémisme américain qui prend partie contre l'Islam tel le livre de Nixon sur l'Islam qu'il considère l'ennemi principal au lieu de l'Union soviétique. Ceci signifie que leur sympathie envers Israël les amène à juger l'Islam comme extrémiste ?
Des grands professeurs ont affronté ce problème. Je l'ai constaté lors de colloques tenus à l'étranger. Tous les professeurs renient ces propos et défendent l'Islam. Ils confirment qu'il n'y a pas de place, aujourd'hui, à ce qu'on appelle le Choc des civilisations. Sans doute, la problématique est importante. Elle induisait la fatalité du choc des civilisations comme dangereuse et annonciatrice d'une prochaine guerre mondiale. En conséquence, nombreux sont ceux qui ont pris l'initiative de répondre et de réfuter cette question par conviction, peur, inquiétude ou objectivité.

Enfin, quelles sont les spécifications nécessaires pour faire passer ce message?
Ne pas mélanger les cartes et ne pas généraliser le discours, compter sur une stratégie à long terme et rejeter toute pensée raciste dans notre discussion surtout que la réalité confirme que la structure de la société arabe ne pratique pas le racisme. Pourquoi attribue-t-on à notre message des relents de racisme? Généralement, nous nous sommes rendus compte durant notre séjour en Europe que toute personne est quelque peu raciste mais le cache avec intelligence.