L’histoire d’Iran et le jeu des nations Le terrorisme pour l’Orient et la paix pour l’Occident

Al Ahram, 23/01/1993

Suite à l’accès de Ayatollah Al Khomeiny au pouvoir, le régime gouvernemental en Iran pourrait prétendre que le monde islamique a beaucoup changé et que ses situations se sont modifiées. J'avoue que lorsque j’étais avec d’autres observateurs étrangers au dessus de la mosquée «Qom» la ville de Al Khomeiny, nous surveillions dans les premiers jours et les premières semaines, tout au long de la nuit et du jour, la loyauté des milliers de musulmans au «nouveau régime islamique».

Confus, je me demandais au cours de mes dix jours de séjour dans cette ville, quelles sont les limites de l’espoir des Musulmans envers Al Khomeiny et Ayatollah? Et quelles sont les limites des condamnations à mort immédiates prononcées par les tribunaux «de la révolution» iranienne? Quelles sont, au sein du monde islamique, les frontières géographiques qui résisteront aux tourbillons, aux tempêtes et aux volcans que le régime iranien propage hors de ses frontières?.

Un vendredi, après la prière dans la mosquée «Qom», j’étais accompagné de Bani Sadr - l’envoyé de Al Khomeiny auprès de l’armée iranienne dans ce temps, avant d’être le Président de la République et puis d'aller en France comme refugié. Nous avons rencontré Ayatollah Allakh khalkhaly Président du Tribunal de la Révolution à l'époque, et je lui ai dit avec ironie : «Il paraît que le tribunal que vous présidez ne souffre pas de problème de chômage», en faisant allusion à la rapidité et la multiplication des jugements de condamnation à mort. Je fus étonné de sa réaction lorsqu'il m’a répondu en riant : « Rassurez-vous, nous resterons laborieux et actifs pour de longues années».

Pourtant, avant de quitter l'Iran, j'ai voulu chercher un visage qui me rappelle l'Islam en Egypte. L’Islam de tolérance. Je n’ai trouvé à ce temps qu’une seule figure, celle de Ayatollah Chariaa Madari. Il m’a accueilli chez lui où nous avons cherché au cours de deux heures un sujet commun qui pourrait lier l’Egypte à l'Iran. Son sujet proposé était de sauver l'Afghanistan de l’attaque communiste avant que la guerre ne commence, il était le seul à me parler du rôle et du poids de l’Islam de l’Egypte dans le monde musulman. De même, il a condamné l’extrémisme et les essais d'exportation de la Révolution Islamique en Egypte en disant : «L’Islam de l’Egypte avec ses fortes racines, est pionnier au sein du monde et n’a pas besoin d’instructions de quiconque».

Des années se sont écoulées en Iran, au cours desquelles des milliers ont été tués, condamnés à mort et détenus. La guerre irako-iranienne a éclaté et des millions de martyrs sont tombés, la Révolution a tué beaucoup de ses citoyens. L’épée de l’extrémisme n’a épargné aucun des hommes que j’ai connus en Iran, parmi eux l’homme au grand cœur Ayatollah Madari, et celui qui s’est évadé au dernier moment avant l’exécution de sa condamnation à mort, mon collègue à Paris, l'ancien président de la République Bani Sadr. Ce dernier était arrivé en France en tant que réfugié politique. Notre rencontre lors de son séjour fut pour moi une clef qui donne accès au monde du grand jeu,«le jeu des nations» où les grands pays dirigent le destin des petits pays comme des pions. C’est ainsi que j'ai connu la moitié de la réalité de l’Iran.

Quant à la seconde moitié, je l’ai découverte par le biais du plus grand expert du jeu des nations, le Général de La Marenche l’ancien Duedar du service de renseignements français au temps du président Pompidou. Il était l'un des experts de la stratégie à l’OTAN et aujourd’hui il est devenu un conseiller international. Les pays, les présidents et les hommes d’affaires le consultent au sujet des lieux et de l'impact des troubles et leurs possibles effets sur leurs investissements. Qu’est-ce qu’on a compris des savants et des experts ? On a compris que la cause du conflit entre Bani Sadr et Ayatollah Rafsandjani est le célèbre scandale de «Watergate» qui a concrétisé la coopération des services de renseignements iraniens, israéliens et américains pour acheter des armes et se partager les commissions.

Al Khomeiny était au courant de cette situation et a donné ses ordres pour que Rafsandjani soit le confident de cette entente irano-israélo-iranienne. Ne pas mélanger les cartes c'est-à-dire connaître comment réconcilier les relations distinguées et singulières avec la France et comment refuser d'une manière polie le point de vue d’un pays qui menace la sécurité égyptienne et arabe. Le terrorisme pour l’Orient uniquement Quand l’extrémisme exporté de l’Iran a choisi comme cible l’Orient et les pays islamiques, tout en arrêtant les actes terroristes en Occident, les institutions occidentales spécialistes de la lutte contre le terrorisme, notamment le groupe GIGN français, ont été les premiers à démasquer les liens entre Téhéran, Khartoum et Alger.

L’Iran a obtenu le feu vert de ceux qui sont le fer de lance de l’espionnage et des réseaux d'informations internationales et surtout de ceux qui possèdent les satellites susceptibles de détecter les instructeurs des combattants en Iran qui partent vers le Soudan, la Tunisie, l’Algérie, la Jordanie, l’Egypte et le Liban. C’est ainsi que le jeu des nations avec le système iranien est devenu le symbole de l’exportation du terrorisme vers l’Orient et les pays musulmans d’une part, et de la coopération clandestine avec les capitales occidentales d’autre part. En effet le service de renseignements israélien jouait parfois le rôle d’intermédiaire entre L’Iran de Rafsandjani et certains services de renseignements occidentaux.