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Jun072016

Le Dialogue interculturel et religieux et l’éducation de la paix 

Al Bawaba 19/5/2016

J’ai eu la chance dans les années 80, alors que j’étais à Paris, d’adhérer à une association pour le dialogue interreligieux créée par un Egyptien très respecté, à savoir feu le Dr.Adel Amer ainsi que par un Père blanc Michel Lelong. A la mort du Dr. Adel Amer, je fus élu Président de l’ADIC et peu après j’ai convoqué en 2010 une assemblée générale extraordinaire pour proposer aux membres de modifier la dénomination initiale de l’Association portant sur le « dialogue interreligieux » et de l’étendre également au « Dialogue interculturel et l’Education de la paix. L’’importance extrême du dialogue était de la plus haute priorité mais cette nouvelle proposition lui conférait un sens civil dans la mesure où associer ces deux formes de dialogue contribue à leur enrichissement mutuel.

Une année après avoir pris la tète de cette association en 1993, nous avons organisé en 1994 une conférence de haut niveau à la Sorbonne avec des représentants des trois religions monothéistes, à savoir Le Cardinal Koenig Président du Comite du dialogue interreligieux au Vatican, Cardinal de Vienne , Autriche , le Grand Rabbin de France René-Samuel Sirat et le Dr. Hamdi Zagzoug, alors Doyen de la Faculté de Théologie d’Al-Azhar avant d’être nommé Ministre des Biens religieux et Président du Conseil Supérieur des Affaires Islamiques d’Egypte. Il m’a par la suite nommé par décret Président du Comite du Dialogue de ce Conseil.

De nombreuses personnalités assistaient également à cette conférence, des personnalités de la presse parmi lesquelles Moufi Fawzi , des Ministres français tels que Jean de Lipkowski, Ministre des Affaires Etrangères et le Grand Imam de la Mosquée de Paris, Dr Dalil Boubakeur.

La conférence de la Sorbonne a été un point tournant dans l’histoire de l’ADIC du fait des interventions et des discussions qui ont eu lieu entre intellectuels, écrivains et hommes de religion présents. Tout ce qui a été dit lors de cette conférence a été publié constituant des archives historiques de l’Association et aussi un manuel de l’éducation de la paix.

L’éducation de la paix est une forme de connaissance basée sur la culture, la foi et l’histoire et à cet égard, une des écoles les plus importantes en la matière, c’est l’école espagnole qui rassemblait et concrétisait toutes les religions, le judaïsme le christianisme et l’Islam. De nombreuses conférences ont eu lieu dans ce pays et il est question que nous ouvrions une branche de notre Association dans ce pays riche d’histoire.

Par la suite, et tout naturellement, nous avons ouvert une branche en Egypte, berceau de toutes les religions.

Par chance, le dialogue interreligieux a reçu un soutien significatif de la part de feu le Sheikh d’Al-Azhar, Gad El Haq Aly Gad El Haq, et pendant qu’il était en fonction, nous avons assisté à un événement historique, à savoir le début du dialogue entre le Vatican et Al-Azhar. Ce qui a conduit plus tard à la signature d’un accord entre ces deux institutions.

Il est intéressant de savoir que cet accord entre Le Vatican et Al-Azhar a une histoire qu’il est bon de préciser. En Avril 1994, j’ai pu convaincre le Cardinal Koenig, en charge du dialogue au Vatican, de m’accompagner à Berne en suisse pour rencontrer le Sheikh Gad El Haq Aly Gad El Haq qui y suivait un traitement médical. Le Cardinal vint à Berne pour s’enquérir de la santé du Grand Imam.

Ils sont rencontrés deux fois pendant 5 heures et le résultat de ces rencontres a créé entre eux un climat de confiance et d’amabilité. Une fois ces rencontres terminées, le Grand Imam m’a dit « Docteur Aly, c’est une nouvelle étape pour la méthodologie du dialogue et je la comprends, aussi l’idée de coopération entre Al-Azhar et le Vatican peut maintenant être envisagée.

C’est ainsi que toute les idées débattues durant la conférence de la Sorbonne ont été diffusées par le célèbre journaliste Moufid Fawzy et le Cardinal Koenig qui a dit : « Nous apprenons des religions et j’ai appris de l’Islam ». Avec honnêteté et franchise, le Grand Rabbin Sirat a dit « J’ai lu chaque mot du Coran et je n’y ai pas trouvé un mot prônant la violence , l’extrémisme ou le rejet de l’autre ».  Après avoir vu l’émission de télévision « Al Medina » réalisée par le journaliste Moufid Fawzi, le Grand Imam a demandé à me voir et m’a dit franchement « J’ai bien reçu votre message maintenant et j’ai bien compris ce que vous vouliez, en conséquence, je vous charge de prendre contact avec le Conseil pontifical pour ouvrir la porte du dialogue avec le Vatican.

De retour au Caire, j’ai rencontré le grand Imam Gad El Haq qui m’a accueilli en disant « Je vous ai donné mon accord pour commencer les négociations avec le Vatican mais je voudrais que vous sachiez que ceux qui m’entourent peuvent ne pas être d’accord. Cependant, le dialogue est une affaire personnelle, sous réserve de volonté et d’acceptation. A vous donc de rencontrer les chefs religieux d’Al-Azhar car je veux éviter, au moment de signer un accord officiel, d’être confronte au moindre refus ».

Mon approche avec les Chefs religieux d’Al-Azhar s’est déroulée dans le calme, sans éclat et avec pondération, et a duré 4 ans jusqu’en 1998. Dieu m’est témoin que le Grand Imam Gad El Haq m’avait demandé de traduire en Arabe chaque mot prononcé lors de la conférence de la Sorbonne. Copies de cette traduction qui comptait environ 200 pages ont été distribuées aux membres de l’Académie de recherches islamiques afin que chacun puisse donner son avis.

A la mort du Sheikh Gad El Haq, et que Grand Imam Dr. Sayed Tantawi ai pris sa succession, nous avons du hâter la dernière étape pour finaliser l’accord. Nous devions également préparer le terrain pour une dernière rencontre entre les délégués du Vatican, dirigés par Monseigneur Fitzgerald, et le Grand Imam. De retour à mon domicile après la réunion, me remémorant ces quatre années d’efforts, réfléchissant à leur signification, au moment où ces efforts allaient être couronnés de succès, et j’ai remercié Dieu, source d’inspiration et mon meilleur soutien.

Puis vint le jour que je n’oublierai jamais. Le 28 mai 1998, le document historique a été signé au nom d’Al-Azhar par son représentant, Sheikh Fawzy El Zefzaf et moi-même, et pour le Vatican, par le Cardinal Francis Arinze et Monseigneur Fitzgerald. Le jour suivant, le Pape Jean Paul II nous a reçu dans un salon immense et impressionnant et a prononcé une allocution officielle où il soulignait l’importance historique du document que nous avions signé. Sheikh Fawzy El Zefzaf a également lu un message au nom du Sheikh d’Al-Azhar puis vint mon tour. J’ai tenu à ne rien préparer a l’avance, préférant laissant libre cours à l’inspiration du moment.

Nous avons ensuite rencontrée la presse afin d’annoncer au monde entier que nous avions en main un document s’adressant au monde entier en ces termes « La porte d’Al-Azhar, le cœur et l’esprit sont ouverts au dialogue afin que les générations futures puissent espérer un avenir meilleur ».