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Nov222011

Kreisky : Ma sympathie envers les Palestiniens est bien connue et leur participation aux négociations se réalisera

 Al Ahram, 05/07/1978


Kreisky : Ma sympathie envers les Palestiniens est bien connue et leur participation aux négociations se réalisera.
Le  socialisme international a changé d'attitude et il ne se sympathise plus avec Israël d'une manière  automatique.
L'attachement de Sadate à  son initiative est une chose d'une extrême importance parce que, chaque jour, sa cause gagne plus de terrain. Avec un peu de patience,  Sadate devra obtenir des résultats positifs.
Les Etats Unis pousseront Israël, en fin de compte, à regarder les problèmes d'une manière réaliste. 
Dans ce qui suit le texte intégral de l'interview accordé à Al-Ahram avec Bruno Kreisky, le chancelier autrichien: 

Qu'en est-il du problème palestinien et d’un Etat palestinien ?
A propos de la création d'un Etat palestinien, je pense qu'il est irraisonnable de demander une solution Israélienne menant à la création d'un Etat palestinien. Il me semble que la solution serait de mettre la Cisjordanie et Gaza sous l’hégémonie d’une autorité arabe reconnue. La création d'un Etat palestinien, soit indépendant, ou confédéral avec la Jordanie, doit trouver une solution arabe.   Ceci est la solution la plus réelle. Quant aux problèmes de sécurité, ils pourraient être sujets de discussion entre Israël et les pays voisins.
A mon avis, la Cisjordanie et Gaza devraient être placés sous l’hégémonie d’une autorité arabe reconnue. D’autre part, Israël n’a cessé de répéter que les territoires occupés qui seraient libérés ne seront récupérés que par les pays auxquels ces territoires appartenaient avant l'occupation. En conséquence, la question devra être discutée entre arabes.
Ma sympathie envers les Palestiniens et ma reconnaissance du rôle de l'OLP sont connues. Il leur incombe de créer un Etat palestinien. Je suis persuadé que le jour où les palestiniens participeront aux négociations viendra. Mais je répète : il faut que la solution émane de l'intérieur de la partie arabe. Il est possible de résoudre le problème dans le cadre d'un Etat jordano-palestinien. Mais, je répète encore une fois : la solution proviendra du côté arabe.

Quelle est la position de l'Internationale Socialiste vis-à-vis de la crise du Moyen Orient ?
Bien que la réunion de l'Internationale Socialiste, en février dernier, fut une réunion à huis clos, je peux vous dire que ce qui a attiré mon attention et mon intérêt, était de voir le parti socialiste  plus proche en Israël (le Parti travailliste israélien), exprimer son manque de compréhension et son insatisfaction. Pour lui, l'attachement aux colonies est plus important que l'instauration de la paix.  Il était nécessaire que Shimon Peres constate personnellement cette position prise par les amis les plus proches d’Israël. De même, certains membres participant à  la conférence ont partagé la compréhension de la position de l’OLP. Je suis heureux de constater, aujourd'hui, que  l'Internationale Socialiste qui, auparavant,  éprouvait de la sympathie uniquement pour Israël, entend avec un esprit ouvert le point de vue de l’Egypte en particulier ainsi que celui des Arabes qui cherchent à instaurer la paix.

De ma part, j’essaierai d’entamer un dialogue entre les représentants des partis socialistes arabes et ceux l'Internationale Socialiste. Car, la crise du Moyen-Orient doit être amplement examinée par la communauté internationale. Lors de la tenue de la Conférence d’Helsinki sur la sécurité européenne, j’ai tenté, mais en vain, d’inciter les participants à  jouer un rôle en vue d’instaurer la paix au Moyen Orient. Actuellement, j’essaie de convaincre l'Internationale Socialiste de participer  à l’instauration de la paix. L'Internationale Socialiste m’a chargé de jouer ce rôle au sein du Comité d'enquêtes qui a fait le tour depuis 1974 de la plupart des capitales des pays du Moyen-Orient.
Maintenant, je peux affirmer que les relations entre l'Internationale Socialiste et le monde arabe s’améliorent de plus en plus. Probablement, quelques membres de l'Internationale Socialiste n’accepteraient pas le bilan élaboré par le Comité, mais je suis sûr que la majorité l’approuvera.

Que pensez-vous du rôle joué par les Etats-Unis en vue de résoudre la crise du Moyen Orient ?
Je suis sûr que les Etats-Unis déploieront de grands efforts pour parvenir à une solution pacifique de la crise du Moyen-Orient. Tous les moyens légitimes possibles seront utilisés pour arriver à cet objectif. Dans l'avenir, les Etats-Unis auront de nombreux différends avec Israël, mais ce dernier sait, qu’en fin de compte, il a toujours besoin des Etats Unis. Ceux-ci tenteront d’inciter les chefs israéliens à être réalistes vis-à-vis des problèmes qu’ils doivent affronter.

Comment expliquer-vous l'insistance de Begin  à garder les colonies dans les territoires occupés ?
A mon avis, des millions d’Israéliens ne tarderont pas à découvrir qu’il est impossible de sacrifier la paix pour garder quelques colonies qui n'ont aucune importance sur le plan militaire.

Que pensez-vous de l'avenir de l’initiative du Président Sadate ?
L'attachement du Président Sadate  à son initiative est d'une extrême importance. Car Sadate a toujours été rationnel, d’autant plus et sa position reflète sa sagesse. Plus il persiste à suivre son propre chemin, plus il gagnera de soutien dans le monde entier. Avec un peu de patience, il obtiendra des résultats positifs. Le peuple israélien croit profondément que cette initiative, ainsi que l’instauration de la paix, sont d'une importance majeure. D’autre part, le président Sadate jouit d’une grande estime auprès des Juifs vivants à l’extérieur d’Israël. De même il jouit du soutien intégral de la part des pays démocratiques.

Que pensez-vous de la position de Shimon Pérez en tant que représentant d’Israël au sein de l'Internationale Socialiste?
En ce qui concerne la Cisjordanie, Péres est l’un des partisans de la création d’un Etat palestino-jordanien ; il est donc prêt à livrer la majeure partie des territoires occupés en Cisjordanie, à l'exception peut-être - de quelques sites militaires qui sont quand même à négocier.

Je pense que le gouvernement israélien a besoin des expériences de Péres et de ses conseils aussi. De même, Peres a montré une compréhension de la position égyptienne à la suite de ses différentes rencontres en Autriche avec le Président Sadate et la délégation du Parti égyptien "Hezb Misr". Je crois qu’il veut vraiment instaurer la paix.

En tant qu’un des « Sages » du XXe siècle, comment envisagez-vous l’avenir de la paix dans la région du Moyen-Orient ?
Je ne crois vraiment pas que je mérite ce titre, mais j’ai simplement une expérience dans le domaine de la politique internationale. J’affirme que la politique de Sadate a créé, pour la première fois, la confiance en l’avenir de la paix, même chez le peuple israélien.

Grâce à Sadate, certaines personnes ont eu de grands espoirs ; elles rêvent de l’époque qui suivra l'instauration de la paix : l’ère de la coopération entre les peuples de la région.

Si certains ne croient pas de l'utilité des rêves dans les questions politiques, je suis convaincu que certains rêves pourraient être réalisés en politique lorsqu’il existe un homme capable de les concrétiser. C’est à ce type rare d’hommes qu’appartient Sadate qui a prouvé que certains rêves peuvent être réalisés. En effet, personne ne rêvait, avant lui, de cette initiative.